CIRCULAIRE DU 13/12/2016 sur la politique pénale et éducative

11 Jan, 2017 | Lois, décrets, Jurisprudence, Réformes

Paris, le 13/12/2016

Date d’application : immédiate

NO NOR : JUS D 1636978 C

NO CIRCULAIRE : CRIM-2016-29/E1-13.12.2016

N/REF.CRIM BPPG 2016-0139-B28

TITRECirculaire de politique pénale et éducative relative à la justice des mineurs

PUBLICATION . La présente circulaire sera publiée au Bulletin Officiel et sur l’Intranet justice

 

A l’occasion des modifications successives de l’ordonnance du 2 février 1945, les pratiques des professionnels de la justice des mineurs ont connu de profondes mutations. Certaines ont complexifié la procédure, d’autres, comme celles introduites ou rétablies par la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle, visent à en améliorer la lisibilité tout en offrant aux magistrats un choix de procédures variées leur permettant d’adapter la réponse pénale aux particularités de chaque situation.

Dans ce contexte, la réponse pénale s’est diversifiée, tandis que la spécialisation des acteurs, magistrats comme services et établissements éducatifs, permet leur plus grande implication dans le traitement de la délinquance des mineurs et l’indispensable travail de prévention.

Parallèlement, les politiques éducatives ont évolué vers un renforcement de la continuité de la prise en charge et de la cohérence des parcours des mineurs , permettant une meilleure adaptabilité des réponses à l’intérêt de l’adolescent concerné

Ces évolutions se sont inscrites dans le respect des principes fondamentaux ayant valeur constitutionnelle qui gouvernent la justice des mineurs , et qui conservent, quelles que soient les réformes opérées, leur place pleine et entière.

Sont ainsi rappelés les principes de spécialisation des acteurs, de primauté de l’éducatif sur le répressif et de nécessité d’une connaissance approfondie de la personnalité du mineur préalable à toute décision. A tous les stades de la procédure, ces principes doivent permettre d’assurer la continuité et la cohérence du parcours des mineurs, dans le respect de leurs droits et de ceux des victimes.

Mais au-delà de la pertinence renouvelée de ces principes, leur mise en œuvre quotidienne doit s’appuyer sur une articulation entre les acteurs de la justice des mineurs, notamment les magistrats et les services et établissements de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ).

En effet, l’efficacité de la justice des mineurs, de la prévention et de l’action éducative, impose un dialogue constant entre le judiciaire et l’éducatif.

L’objet de la présente circulaire est, ainsi, de replacer ces principes dans un processus décisionnel global, à partir de règles déjà connues, pour éclairer le dispositif de traitement de la délinquance des mineurs mais également mieux appréhender la situation individuelle de chaque adolescent.

La cohérence, la lisibilité et l’individualisation des réponses judiciaires à la délinquance des mineurs constituent des impératifs qui doivent guider les décisions des magistrats comme la prise en charge par la protection judiciaire de la jeunesse.

Cette cohérence repose d’abord sur la spécialisation et la coordination des acteurs qui leur confèrent des connaissances et une lecture commune des problématiques posées par la délinquance des mineurs. C’est pourquoi, il est essentiel de garantir cette spécialisation, notamment au sein des parquets, en désignant des magistrats spécialement chargés de ces affaires, tant dans le champ pénal qu’en protection de l’enfance.

Les échanges entre les magistrats du siège et du parquet et la protection judiciaire de la jeunesse doivent être renforcés, par des rencontres organisées au sein des juridictions, selon des modalités déclinées localement, dans le cadre d’instances de coordination tripartites, qui remplaceront les trinômes judiciaires,

1 Conformément à la note d’orientation de la protection judiciaire de la jeunesse JUSF1423190N du 30 septembre 2014. 2Décision 1102002-461 DC du 289 août 2002 relative à la loi d’orientation et de programmation pour la justice.

Pour une action effective de prévention de la délinquance des mineurs, les parquets et les services de la protection judiciaire de la jeunesse doivent également maintenir leur présence dans les instances partenariales dédiées.

Toutefois, afin de veiller à la cohérence de la parole judiciaire à l’extérieur de l’institution, il est opportun que des échanges préalables à la réunion des instances partenariales aient lieu entre les procureurs de la République et les directeurs territoriaux de la protection judiciaire de la jeunesse et, le cas échéant, en lien avec les magistrats du siège dont la présence au sein de ces instances est souhaitable, même s’ils n’en sont pas membres titulaires.

Enfin, les procureurs généraux, en lien avec les premiers présidents et en concertation avec les directeurs interrégionaux de la PJ], devront continuer à réunir chaque année les acteurs de la justice des mineurs de leur ressort3

Cette cohérence repose ensuite sur la capacité de ces acteurs à adapter les réponses à la situation de chaque mineur. Tout passage à l’acte délinquant doit être considéré comme révélant une problématique spécifique, dépassant le seul champ pénal. Les réponses doivent pouvoir être graduées en fonction de la personnalité du mineur, de son parcours et de la gravité des faits,

A titre d’exemple, dans cette approche globale, la possibilité d’une réponse au seul titre de la protection de l’enfance doit être évaluée. De même, la poursuite de ces objectifs doit conduire à recourir largement aux alternatives aux poursuites qui, par leur diversité et leur contenu pédagogique, constituent une réponse adaptée aux infractions de faible gravité reprochées à des mineurs qui ne sont pas ancrés dans un processus délinquant. Lorsque la situation l’impose, la saisine du juge d’instruction, du juge des enfants ou du tribunal pour enfants devra néanmoins être réalisée.

Pour permettre cette adaptation des réponses, à tous les stades de la procédure, la connaissance approfondie de la personnalité du mineur est impérative. A ce titre, une attention particulière devra être apportée au recueil des éléments de personnalité et au partage de ces informations entre tous les professionnels de la justice saisis de la situation du mineur.

Ainsi, les services de la PJJ veilleront à proposer, et les magistrats du parquet à requérir, des mesures qui s’inscrivent de manière cohérente dans le parcours du mineur, en particulier si des mesures éducatives ou de sûreté sont déjà en cours.

En outre, afin d’élargir les réponses possibles, les directeurs interrégionaux de la PJJ veilleront à ce que puissent être mis en œuvre, localement, des contenus de prise en charge éducatifs innovants, permettant de favoriser l’insertion sociale, scolaire et professionnelle, et de promouvoir la santé et l’autonomie des jeunes en vue de réduire les risques de réitération.

Enfin, l’avocat a un rôle essentiel pour permettre au mineur de comprendre les enjeux de ses actes comme de la procédure qui lui est applicable. L’accès à une défense pénale personnalisée et spécialisée est un enjeu fondamental.  Un renforcement des liens entre les juridictions et les barreaux, dans l’esprit de la convention établie entre le Conseil national des barreaux (CNV) et le ministère de la justice (DPJJ) y contribuera.

De même, la prise en compte des victimes d’infractions pénales doit demeurer une priorité d’action. Dès lors, leurs droits doivent être protégés. Cette prise en compte contribue à l’intégration par le mineur des conséquences dommageables de ses actes. Les procureurs de la République veilleront, en conséquence, à ce que les victimes soient avisées en temps réel des poursuites diligentées à l’encontre des mineurs mis en cause, afin qu’elles puissent exercer leurs droits, y compris au stade présentenciel. Dans le cadre des alternatives aux poursuites, les victimes doivent pouvoir, si cela est opportun, assister aux convocations devant les délégués du procureur et être associées à leur mise en œuvre lorsqu’elles impliquent une réparation directe.