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Le 13 septembre 2019, l’ordonnance réformant l’ordonnance de 1945 sur la justice des mineurs a été publiée au Journal officiel. Comme annoncé en juin dernier, le texte crée un Code de la justice pénale des mineurs et contient deux innovations majeures : l’instauration d’une présomption de non-discernement en dessous de 13 ans et la mise en place d’une procédure de jugement en deux temps.

Conformément à l’habilitation donnée par l’article 93 de la loi du 23 mars 2019 de programmation et de réforme de la justice, la ministre de la Justice avait jusqu’au 23 septembre 2019 pour présenter le projet d’ordonnance portant partie législative du Code de la justice pénale des mineurs. C’est donc avec quelques jours d’avance que le texte a été communiqué en conseil des ministres le 11 septembre dernier, avant d’être publié au Journal officiel le 13 septembre. Comme prévu, il réforme l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante. Un texte modifié 39 fois depuis son entrée en vigueur et qui était devenu « illisible » selon la ministre de la Justice (Gaz. Pal. 18 juin 2019, n° 354q1, p. 8).

Concertation. Dévoilé en juin dernier, l’avant-projet avait fait l’objet de vives critiques de la part des professionnels de la justice des mineurs et des adolescents (institutions représentatives et syndicats d’avocats, syndicats de magistrats, syndicats de la protection judiciaire de la jeunesse et associations, réunis en collectif). Ces derniers dénonçaient notamment le champ de l’habilitation qui limitait au seul aspect pénal le code nouvellement créé, sans prendre en compte le volet « protection de la jeunesse ». Ils dénonçaient en outre le manque de moyens alloués à la réforme et l’absence de consultation en amont sur un texte précis (Gaz. Pal. 11 juin 2019, n° 354e4, p. 6). Un dernier reproche écarté par la porte-parole du gouvernement, Sibeth Ndiaye, lors du compte rendu du conseil des ministres le 11 septembre 2019 : « Les évolutions qui ont été présentées en conseil des ministres par la garde des Sceaux résultent de concertations très larges qui ont été menées avec les professionnels de l’enfance, des éducateurs, des magistrats, des avocats, également des parlementaires », a-t-elle affirmé.

Présomption de non-discernement. Transmise au Conseil d’État durant l’été, la version finale conserve les mesures phares de l’avant-projet. Pour mettre la France en conformité avec la convention internationale des droits de l’enfant signée il y a 30 ans, le texte instaure notamment une présomption de non-discernement pour les mineurs âgés de moins de 13 ans : « Lorsqu’ils sont capables de discernement, les mineurs, au sens de l’article 388 du Code civil, sont pénalement responsables des crimes, délits ou contraventions dont ils sont reconnus coupables. Les mineurs de moins de 13 ans sont présumés ne pas être capables de discernement. Les mineurs âgés d’au moins 13 ans sont présumés être capables de discernement » (art. L. 11-1 du nouveau code).

Cette présomption simple n’empêchera pas le procureur ou le juge des enfants d’engager des poursuites s’il estime le mineur capable de comprendre la portée de son acte. À l’inverse, les magistrats pourront décider de ne pas poursuivre le mineur de plus de 13 ans s’ils considèrent que ce n’est pas le cas. Sur leur plateforme commune de propositions, élaborée en mai dernier, les professionnels de la justice des enfants et des adolescents s’étaient prononcés pour une présomption irréfragable de non-responsabilité en dessous de 14 ans, seuil retenu en Espagne, en Allemagne ou encore Italie. Mais le gouvernement a estimé que le seuil de 13 ans correspondait à l’âge à partir duquel un mineur pouvait déjà être placé en garde à vue ou détenu, et a souhaité conserver le pouvoir d’appréciation du juge. En revanche, aucune peine ne pourra être prononcée à l’encontre d’un mineur de moins de 13 ans, seules des mesures éducatives le pourront.

Mise à l’épreuve éducativeDans sa décision du 8 juillet 2011, le Conseil constitutionnel (Cons. const. 8 juill. 2011, n° 2011-147 QPC) avait estimé contraire au principe d’impartialité le fait que le même juge des enfants puisse, lors de la phase d’instruction, porter une appréciation sur les charges existantes contre un mineur, puis présider l’audience du tribunal pour enfants et prononcer une peine à l’encontre de ce mineur.

Afin de garantir un suivi de l’intervention du juge des enfants, le texte supprime donc la procédure d’instruction (sauf pour les crimes et les délits les plus graves). Il instaure en outre une procédure en trois temps, baptisée « procédure de mise à l’épreuve éducative ».

Une audience d’examen de la culpabilité aura d’abord lieu dans les 3 mois afin de confronter le mineur à sa responsabilité et indemniser la victime. S’ensuivra une période de mise à l’épreuve éducative de 6 mois à 9 mois, durant laquelle pourront être prononcées des mesures d’investigation afin de recueillir des éléments sur la personnalité du mineur, une mesure éducative judiciaire provisoire afin de lui permettre d’évoluer au mieux, ainsi que des mesures de sûreté. À l’issue de cette période, une audience sur la sanction interviendra. Pour définir cette dernière, le juge tiendra « compte de la récidive ou de la capacité du mineur à s’améliorer », a précisé la porte-parole du gouvernement.

Avec ce dispositif, le gouvernement espère réduire de moitié les délais de jugements, actuellement de 18 mois entre la commission de l’infraction et la décision. Un argument qui ne devrait pas convaincre le Syndicat de la magistrature qui, en juillet dernier, dénonçait déjà « un projet qui confond mesure éducative et sursis probatoire et qui ne tient absolument pas compte du temps nécessaire à un adolescent pour évoluer ». À noter qu’il sera évidemment possible d’interjeter appel de la décision sur la culpabilité comme de la décision sur la sanction. En cas d’appel portant sur une décision déclarant le mineur coupable, si la cour d’appel n’a pas statué sur l’appel avant la décision sur la sanction, l’appel sera considéré comme portant à la fois sur la décision sur la culpabilité et sur la décision sur la sanction, sauf désistement de l’appelant. En cas d’appel portant sur une décision de relaxe, si la cour d’appel déclare le mineur coupable des faits qui lui sont reprochés et ouvre une période de mise à l’épreuve éducative, elle devra remettre le dossier au juge des enfants compétent pour le suivi des mesures et pour la fixation de l’audience sur la sanction.

Octobre 2020. La Chancellerie a maintenant 2 mois pour déposer devant le Parlement un projet de loi de ratification. Un délai d’1 an sera laissé aux parlementaires « pour en débattre, le modifier, l’enrichir, préparer les juridictions et mettre les moyens en place », a assuré le ministère. L’ordonnance n’entrera donc en vigueur que le 1er octobre 2020.

Laurence Garnerie