fnapte flash info magistrats de la jeunesse n°10

 

1.     Le projet de réforme de l’ordonnance du 2 février 1945

 

Les modifications successives de l’ordonnance de 1945 ont conduit à multiplier les mesures, cadres procéduraux et modes de poursuites applicables aux mineurs. Ces quarante et une réformes ont ainsi déconstruit progressivement les principes affirmés en 1945, consacrés depuis par le Conseil constitutionnel comme principes fondamentaux reconnus par les lois de la République.

 

Dans le cadre de la loi de programmation et de réforme de la justice adoptée en mars 2019, le gouvernement a été habilité, dans un délai de six mois, à modifier et simplifier les dispositions relatives à la justice pénale des mineurs en les codifiant dans le code de la justice pénale des mineurs, dans le respect des principes constitutionnels et des droits fondamentaux de l’enfant reconnus par la République et les conventions internationales.

L’habilitation a précisé les quatre objectifs à poursuivre : simplifier la procédure pénale applicable aux mineurs délinquants, accélérer leur jugement pour qu’il soit statué rapidement sur leur culpabilité, renforcer leur prise en charge par des mesures probatoires adaptées et efficaces avant le prononcé de leur peine, notamment pour les mineurs récidivistes ou en état de réitération et améliorer la prise en compte des victimes.

La garde des Sceaux a mené différentes consultations et sollicité les multiples acteurs de la justice pénale des mineurs à plusieurs reprises et sous plusieurs formats, tout au long de l’élaboration afin de nourrir sa réflexion, définir les orientations du projet, puis le préciser.

L’ensemble des professionnels de la justice des mineurs ont dans un premier temps été sollicités (magistrats, avocats, professionnels de la PJJ secteur public et secteur associatif habilité) avec l’envoi d’un questionnaire afin de dresser un état des lieux de la justice des mineurs et d’enrichir les grandes lignes du projet de réforme. La garde des Sceaux a également rencontré à plusieurs reprises en entretien des professionnelsassociations et syndicats pour alimenter sa réflexion tout au long du processus d’élaboration du projet de code. Enfin, le texte du projet de code de la justice pénale des mineurs, ainsi que des fiches thématiques de présentation et des schémas explicatifs ont été transmis pour des consultations menées par la garde des Sceaux et les directions du ministère de la justice.

Le ministère de la justice a préparé un projet d’ordonnance qui a été soumis au Conseil d’Etat. Un travail approfondi a eu lieu entre les quatre rapporteurs du Conseil d’Etat et les commissaires du gouvernement pendant l’été.

Après l’avis du Conseil d’Etat en assemblée générale le 5 septembre 2019, l’ordonnance n° 2019-950 portant partie législative du code de la justice pénale des mineurs a été signée par le Président de la République en Conseil des ministres le 11 septembre 2019 et publiée le 13 septembre 2019 au journal officiel.

Un projet de loi de ratification a ensuite été déposé devant le Parlement afin de permettre un large débat sur les enjeux de l’évolution de la justice des mineurs et, le cas échéant, le dépôt d’amendements, comme pour n’importe quel processus législatif. L’entrée en vigueur de ces dispositions est prévue le 1er octobre 2020.

Une démarche d’accompagnement à la mise en œuvre de cette réforme est engagée par le ministère et a été présentée à l’occasion du COPIL de la justice  des mineurs.

 

Une journée des magistrats spécialisés des tribunaux pour enfants et cours d’appel, à laquelle participeront les directeurs territoriaux de la PJJ, sera organisée le jeudi 2 avril prochain par le ministère afin présenter le projet.

 

Liens internet : Lien Légifrance vers l’ordonnance n°2019-950 du 11 septembre 2019 portant partie législative du code de la justice pénale des mineurs ; lien vers le rapport au président de la République.

 

2.     Le COPIL Justice des Mineurs 2019 et le concours d’affiches des jeunes de la PJJ
Le 28 novembre 2019, le site Olympe-de-Gouges du ministère de la justice accueillait le comité de pilotage annuel de la justice des mineurs. Depuis 2016, la Direction de la Protection Judiciaire de la Jeunesse a mis en place un Comité de pilotage national de la justice des mineurs (COPIL justice des mineurs) qui se tient chaque année et dont les travaux alimentent ensuite ceux des conférences régionales de la justice des mineurs organisés par les cours d’appel en application des dispositions du décret n°2016-514 du 26 avril 2016 relatif à l’organisation judiciaire.

 

A l’occasion de ce COPIL, se sont réunis les acteurs judiciaires de la justice des mineurs à l’échelon des cours d’appel et des directions interrégionales de la Protection judiciaire de la jeunesse mais également l’ensemble des autres directions du Ministère concernées par la justice des mineurs (DACS, DACG, DSJ, DAP) ainsi que les écoles de formation (ENM, ENPJJ, ENG, ENAP).

 

Cette année, le COPIL a été l’occasion de célébrer les 30 ans de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant et  la loi du 10 juillet 1989 relative à la prévention des mauvais traitements à l’égard des mineurs. En effet, la place des enfants dans le système judiciaire est l’affaire de tous. Ils font l’objet de décisions judiciaires et sont aussi concernés par celles rendues dans des affaires touchant leurs parents. La Convention internationale des droits de l’enfant précise que l’intérêt de l’enfant doit être une considération primordiale dans toutes les décisions les concernant et le Conseil constitutionnel a récemment reconnu valeur constitutionnelle à ce principe, par référence à l’alinéa 10 du Préambule de la Constitution de 1946 (décision n°2018-768 QPC du 21 mars 2019).

 

La garde des Sceaux, Nicole BELLOUBET, a ouvert la journée en précisant que cet anniversaire était l’occasion de se pencher sur la loi de programmation pour la justice, le projet de code de la justice pénale des mineurs et le lancement de la stratégie nationale de protection de l’enfance. Ainsi, la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 prévoit des dispositions spécifiques en faveur des mineurs et a autorisé le gouvernement à réformer l’ordonnance de 1945, afin de surmonter les écueils de ce texte réformé de très nombreuses fois. Pour la mise en œuvre de ce texte, la ministre de la justice a annoncé le déploiement de moyens supplémentaires (70 magistrats affectés à la justice des mineurs, 100 postes de greffiers et 94 postes d’éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse ont été budgétés au projet de loi de finance 2020). Nicole BELLOUBET a tenu à remercier la mobilisation de l’ensemble des directions du ministère de la justice pour le travail engagé aux fins d’accompagner au mieux les juridictions et les services déconcentrés dans la mise en œuvre de cette réforme. Elle a également tenu à souligner que la réussite de cette réforme ne se ferait qu’avec l’implication de l’ensemble des acteurs de la justice des mineurs et a appelé les présidents de cours présents à mobiliser les juridictions de leur ressort pour impulser une dynamique indispensable à la réussite de cette réforme.

 

L’accompagnement au changement, sujet très attendu par les participants, a fait l’objet d’une la première table ronde consacrée à cette étape essentielle d’appropriation des outils nécessaires à l’appréhension et la mise en œuvre du futur code de la justice pénale des mineurs. L’inspecteur général de la justice, la secrétaire générale ainsi que les directeurs des services judiciaires, des affaires criminelles et des grâces et de la protection judiciaire de la jeunesse ont présenté un plan d’action en trois phases : une phase de sensibilisation à la réforme, menée en parallèle à une analyse des stocks des juridictions de nature à permettre une répartition juste et adaptée des moyens dégagés,, une phase de diagnostic qui permettra l’évaluation pratique, avec les juridictions et les services de la PJJ, des conditions nécessaires à une bonne mise en œuvre de la réforme et enfin, la phase d’appropriation qui permettra d’intégrer les changements dans les pratiques professionnelles et l’organisation.

La seconde table ronde de la matinée a porté sur la parole de l’enfant en justice, qu’il soit victime, auteur, témoin, ou concerné par une procédure civile, tout en abordant la question de ses capacités de discernement, condition de la prise en compte de son opinion dans une affaire le concernant.

La troisième et dernière table ronde de la journée a présenté les différentes formes de ruptures dans les parcours des jeunes, notamment le passage à la majorité en détention. Le SPIP et la PJJ des Yvelines  ont présenté leurs  bonnes pratiques en matière d’articulation des services.

 

La directrice de la PJJ Madeleine MATHIEU a clôturé la journée, soulignant la qualité des échanges autour de ces trois thématiques. Elle a souligné l’importance de prioriser l’alternative à l’incarcération, afin d’offrir aux mineurs détenus ou en risque de le devenir, la possibilité d’investir un projet éducatif ou une peine qui soit propice à une évolution personnelle. La directrice a d’ailleurs tenu à remercier l’équipe du restaurant d’application “l’Escale Gourmande” de l’UEAJ de Beauvais qui avait préparé le buffet pour l’occasion, permettant ainsi aux différents invités de rencontrer les jeunes lors d’un moment de convivialité.

 

Aussi, souhaitant mettre en valeur les missions de la PJJ, un concours d’affiches a été organisé au sein des directions interrégionales afin de sensibiliser les jeunes pris en charge par les établissements et services aux droits consacrés par la CIDE. C’est le thème du droit à l’expression, garanti par l’article 12 de la CIDE (droit de l’enfant à s’exprimer, donner son avis, participer aux décisions qui le concernent et la prise en compte de son opinion) dans le champ national et/ou international qui a été retenu. Les jeunes ont donc été invités à créer des affiches en rapport avec ce sujet. Ces dernières ont été présélectionnées par chacune des 9 directions interrégionales de la PJJ afin de présenter trois affiches par territoire. Un comité de sélection présidé par la Défenseure des Enfants et composé de la Directrice de la PJJ et d’autres acteurs de la justice des mineurs (FNADEPAPE, CNB, AFMJF, FNAPTE, FN3S, Citoyens et Justice, UNIOPSS, CNAPE) s’est réuni le 10 octobre dernier afin de récompenser six affiches. Une cérémonie de remise de prix a eu lieu par la suite en présence de tous les membres de ce comité. Les affiches primées ont été exposées au COPIL Justice des mineurs. Un format itinérant des affiches récompensées a été établi dans le but de promouvoir le droit à l’expression de l’enfant lors des manifestations nationales de la PJJ ou d’autres évènements commémoratifs au cours des années 2019-2020.

 

Le compte rendu de l’ensemble des échanges de la journée vous parviendra courant janvier 2020.

Plusieurs extraits du Web documentaire « Mineurs sous main de justice » de l’association Hors-Cadre ont été présentés tout au long de la journée, ainsi que le clip du barreau de Nanterre et le film « La lettre de Politzer », prix coup de cœur national du Festival International du film de citoyenneté, prévention et jeunesse (FESTIPREV). Nous vous invitons à retrouver ces différentes œuvres via les liens ci-dessous.

 

Liens internet :

·         Article intranet DPJJ COPIL JM 2019

·         Article intranet DPJJ sur le concours d’affiches

·         Web documentaire “Mineurs sous main de justice” de l’association Hors-Cadre

·         Clip du Groupe Mineurs du barreau des Hauts-de-Seine (92)  

·         Article à propos du Festiprev sur le site du FFSU et bande annonce de “La lettre de Politzer”

 

3.     La stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance 2020-2022
La stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance, annoncée par Adrien Taquet le 14 octobre dernier, est le fruit d’une concertation nationale qui a associé de nombreux acteurs de la protection de l’enfance. Elle s’est également appuyée sur les missions conduites par les corps d’inspection, notamment le rapport IGAS/IGJ sur les délais d’exécution des mesures de justice et la démarche de consensus actuelle sur les interventions de protection de l’enfance à domicile.

 

Les différents travaux parlementaires menés récemment en matière de protection de l’enfance (notamment le rapport issu de la mission d’information sur l’ASE, le rapport sur l’accompagnement des jeunes vulnérables à la majorité, le rapport sur la santé des 0-6 ans,…) ont en outre largement contribué à l’élaboration de cette stratégie qui comporte 4 axes forts :

–          Accentuer le virage de la prévention en protection de l’enfance ;

–          Sécuriser les parcours des enfants protégés ;

–          Renforcer et garantir les droits des enfants protégés ;

–          Préparer l’avenir des enfants protégés et sécuriser leur vie d’adulte.

 

Les évolutions suivantes sont susceptibles d’impacter le fonctionnement des juridictions :

–          Garantir la transmission du dossier judiciaire intégral aux archives départementales et l’accompagnement par un professionnel pour permettre un accès à la personne concernée qui le demandera (page 32 du dossier de presse) ;

–          permettre un jugement en collégialité en assistance éducative (page 35).

 

Vous pouvez consulter l’ensemble des mesures annoncées en téléchargeant le dossier de presse disponible via le lien suivant :

·         Dossier de presse sur la stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance 2020-2022          

 

4.     L’apparition de la notion d’adulte approprié en droit positif
La directive (UE) 2016/800 du Parlement et du Conseil du 11 mai 2016 relative à la mise en place de garanties procédurales en faveur des enfants qui sont des suspects ou des personnes poursuivies dans le cadres des procédures pénales a été transposée en droit français par la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice. Trois articles (3-1, 6-2 et 11-3) ont ainsi été insérés dans l’ordonnance n°45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante et son article 4 modifié. La circulaire CRIM/ 2019-14/H2/27.05.2019 du 27 mai 2019 précise la mise en œuvre de ces nouvelles dispositions.

La notion d’adulte approprié a fait son apparition en droit positif à l’occasion de cette transposition.

 

1.        Qu’est-ce que l’adulte approprié ?

L’enfant suspect ou poursuivi a le droit à l’information concernant les aspects généraux du déroulement de la procédure, le droit d’être examiné par un médecin et ses droits sont garantis lorsqu’il est privé de liberté. Or, si en principe le mineur a le droit à ce que son titulaire de l’autorité parentale reçoive les mêmes informations que lui et l’accompagne aux audiences qui le concernent, dans certaines situations cette information ou accompagnement sont soit matériellement impossible (2° du II de l’article 6-2 de l’ordonnance du 2 février 1945 « parce que, après que des efforts raisonnables ont été déployés, aucun des titulaires de l’autorité parentale ne peut être joint ou que leur identité est inconnue »), soit non souhaitable (1° et 3° du même article : si l’information et l’accompagnement par les titulaires de l’autorité parentale serait « contraire à l’intérêt supérieur du mineur » ou  « Pourrait, sur la base d’éléments objectifs et factuels, compromettre de manière significative la procédure pénale »). Le III de l’article prévoit alors que, dans ces hypothèses, un adulte approprié sera désigné pour recevoir ces informations et accompagner le mineur au cours de la procédure.

 

2.        La circulaire CRIM/ 2019-14/H2/27.05.2019 du 27 mai 2019

L’adulte approprié reçoit les informations que recevrait le titulaire de l’autorité parentale, accompagne le mineur aux audiences et à certains actes de procédure et peut demander un examen médical du mineur gardé à vue.

L’obligation de désignation ne s’impose pas lorsque les titulaires de l’autorité parentale ont pu être identifiés, et qu’ils ont pu être joints et convoqués, même s’ils ne répondent pas ensuite à cette convocation.

C’est en principe le mineur qui peut désigner l’adulte approprié. La personne désignée doit cependant être acceptée en tant que telle par l’officier ou l’agent de police judiciaire, au cours de l’enquête, ou lorsque des poursuites ont été engagées, par le magistrat compétent. En pratique, il peut s’agit s’agir de n’importe quelle personne majeure, qu’il s’agisse ou non d’un membre de la famille du mineur. Lorsque le mineur n’a désigné aucun adulte ou que l’adulte désigné n’est pas acceptable pour l’autorité compétente, le procureur de la République, le juge des enfants ou le juge d’instruction désigne, en tenant compte de l’intérêt supérieur de l’enfant, une autre personne pour recevoir ces informations et accompagner le mineur. Si aucun adulte ne peut être trouvé, le magistrat désigne un administrateur ad hoc figurant sur les listes prévues par le code de procédure pénale, désignation qui n’est donc prévue qu’en dernière possibilité.

 

3.        Les éducateurs PJJ ne peuvent être désignés

Ni dans le décret n° 2019-507 du 24 mai 2019 pris pour l’application des dispositions pénales de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice relatives à la procédure numérique, aux enquêtes et aux poursuites, ni dans la circulaire précitée, il n’est prévu qu’un professionnel de la protection judiciaire de la jeunesse (secteur public ou secteur habilité) puisse être désigné comme « adulte approprié ». Compte tenu du rôle du professionnel de la PJJ dans l’accompagnement du mineur lors de la procédure pénale et sa prise en charge, et notamment afin d’éviter toute confusion des places et des rôles de chaque acteur, un tel professionnel ne doit pas être désigné par le magistrat en qualité d’adulte approprié.

 

5.     Les assesseurs près les tribunaux pour enfants
Les mouvements d’assesseurs des tribunaux pour enfants ont lieu tous les deux ans, afin de renouveler par moitié les listes des titulaires et des suppléants au sein de chaque TPE.

 

La circulaire du 26 avril 2019 a permis d’initier l’élaboration de la 2ème liste des assesseurs des tribunaux pour enfants du territoire hexagonal et de la 1ère liste des assesseurs des tribunaux pour enfants des départements et collectivités d’outre-mer.

Les mandats des assesseurs concernés prenant fin le 31 décembre 2019, la liste des assesseurs nouvellement nommés au 1er janvier 2020 par arrêté du 17 décembre 2019 est parue au Journal Officiel du 22 décembre 2019.

 

·         Lien vers la liste des assesseurs nouvellement nommés.

 

La DPJJ a pu, une nouvelle fois, constater l’implication des magistrats coordonnateurs des tribunaux pour enfants et des conseillers délégués à la protection de l’enfance à l’occasion de ce nouveau mouvement via les propositions de candidatures, qui impliquent un travail préalable conséquent.

 

Pour rappel, le Guide des assesseurs en cours d’actualisation sera publié à l’occasion de ce mouvement pour que les assesseurs nouvellement nommés puissent en prendre connaissance.

En cas de difficultés et afin de faciliter les échanges sur toutes les questions relatives aux assesseurs des tribunaux pour enfants, nous vous rappelons qu’une adresse structurelle a été créée: assesseurs-tpe.dpjj@justice.gouv.fr

 

FOCUS sur Le Réseau Idéal – Club ASE
Créé par le Réseau IDEAL, le Club ASE est une association qui a pour objet de fédérer les professionnels en charge de la prévention et de la protection de l’enfance et de leur proposer des outils destinés à mutualiser leurs connaissances, à encourager et à diffuser leurs bonnes pratiques.

Il constitue un outil de dialogue et de décloisonnement des pratiques entre les différents acteurs de la protection de l’enfance, notamment via une plateforme web dédiée aux échanges entre les professionnels (www.idealco.fr/ase) et au travers des Rencontres territoriales de la protection de l’enfance organisées tous les 2 ans, avec le soutien de la DPJJ, partenaire du Club ASE depuis plusieurs années.

Les 6ème Rencontres territoriales de la protection de l’enfance tenues à Bordeaux les 6 et 7 juin 2019, avaient pour thème la référence éducative : « Etre référent éducatif aujourd’hui : Quel sens ? Quelles tensions ? Quels leviers ? ».

Le Club ASE organise également des formations et des journées techniques à destination de ses adhérents. La dernière formation a eu lieu le vendredi 20 septembre 2019 et portait sur « Les évolutions des sociétés et leurs impacts sur les nouvelles formes de violences et de rébellion chez les adolescents ».

Cette journée était l’occasion pour les professionnels d’échanger sur les sujets suivants :

–          L’adolescence dans une famille en mutation ;

–          Les cyber violences à caractère sexiste et sexuel : de quoi parle-t-on vraiment ? Comment les comprendre ? Les prévenir ?

–          Éducateurs de rue : quels regards et quelles réponses pour les jeunes faisant face à ces évolutions récentes de société ?

 

La prochaine rencontre technique organisée par le Club ASE se tiendra le jeudi 16 janvier 2020 et portera sur la prise en charge des mineurs auteurs et victimes de violences sexuelles.

Tous les professionnels intéressés peuvent suivre les formations proposées par le Club ASE (à distance ou en présentiel), sous réserve d’une adhésion préalable à cette association. Il est possible de s’inscrire via le lien suivant :

https://www.idealco.fr/formation/violences-sexuelles-accompagnement-prise-en-charge-enfants-victimes-auteurs-9627

 

FOCUS sur Le Groupe de travail des magistrats coordonnateurs
Suite à la parution du décret du 4 février 2008, la DPJJ et la DSJ ont souhaité constituer un groupe de travail rassemblant des magistrats coordonnateurs.

 

Un premier groupe a été constitué en 2011 ce qui a conduit à l’élaboration d’un tableau de bord des juridictions pour mineurs pour quantifier l’activité civile et pénale à destination des juridictions pour mineurs. A cette époque, il a également été envisagé la conception d’un Vadémécum relatif à la fonction de magistrat coordonnateur.

En mars 2018, un nouveau groupe de travail a été reconstitué avec pour objectif la création de ce Vadémécum à destination des magistrats coordonnateurs. Ce groupe, piloté par la DPJJ, était composé de 13 membres dont une conseillère déléguée à la protection de l’enfance, deux chargées de formation (ENM et ENPJJ), une représentante de la DSJ et des magistrats-coordonnateurs.

Les séances se sont tenues 4 fois par an. La première partie de la rencontre avait pour objectif de mettre en place un temps d’échanges et de débats sur des sujets d’actualité juridique. Ainsi, des nombreuses thématiques ont été évoquées telles que l’évolution du dispositif du placement des mineurs, la note du 5 septembre 2018 relative à la situation des mineurs non accompagnés faisant l’objet de poursuites pénales, le décret d’appui à l’évaluation de la minorité (AEM), la réforme de l’ordonnance de 45… La seconde partie de la séance était relative aux travaux d’élaboration du Vadémécum. Ce document a été conçu comme un outil de travail afin d’accompagner les magistrats coordonnateurs dans leur prise de poste et dans l’exercice de leurs missions.

Le Vadémécum se décline en trois parties, la première relative au rôle du magistrat-coordonnateur dans son service, la deuxième aux relations internes aux juridictions, et la dernière aux relations externes aux juridictions.

Le Vadémécum sera prochainement accessible via le site de l’ENM, et il fera l’objet d’un envoi à tous les magistrats coordonnateurs.

 

FOCUS sur L’examen radiologique osseux – Arrêt n°842 du 19 septembre 2019 (19-15.976)          – Cour de cassation – Première chambre civile
Dans l’affaire soumise à la Cour de cassation, le juge des enfants a fait procéder à la vérification des documents d’identité d’un jeune se présentant comme mineur et sollicitant une mesure de protection, tout en le mettant à l’abri par une mesure de placement dans l’attente des résultats. Le juge des enfants a ensuite ordonné la mainlevée du placement après avoir reçu l’analyse effectuée par les services de la préfecture établissant que les documents d’identité de l’intéressé n’étaient pas authentiques. Aucun test osseux n’a été ordonné. Il n’est pas précisé si des investigations avaient été réalisées par le conseil départemental sur la minorité et l’isolement.

 

Se fondant d’une part sur l’article 388 du code civil qui prévoit qu’en cas de doute sur la minorité à l’issue d’un examen radiologique de détermination de l’âge, ce doute profite à l’intéressé, et d’autre part, sur l’article 375 du même code qui prévoit la protection du mineur en danger, l’auteur du pourvoi a tenté de faire reconnaître une présomption générale de minorité dès qu’il existe un doute concernant l’âge exact d’une personne se présentant comme mineure et sollicitant une mesure de protection en assistance éducative.

 

La Cour de cassation rappelle que « le principe selon lequel le doute profite à l’intéressé ne s’applique que lorsqu’un examen radiologique a été ordonné sur le fondement de l’article 388 du code civil ». Constatant que cet examen n’a pas été ordonné et que ce principe ne trouve pas à s’appliquer, la Cour estime alors que l’appréciation souveraine des juges quant à la majorité, fondée sur les éléments de preuve à sa disposition, n’a pas à être remise en cause. Le pourvoi est rejeté.

 

Par cet arrêt, la Cour de cassation cantonne le principe selon lequel le doute profite à l’intéressé aux seuls examens radiologiques de détermination de l’âge et refuse ainsi clairement de consacrer une présomption de minorité pour toute personne se prétendant mineure et sollicitant une mesure de protection, et, a fortiori, de consacrer une présomption générale de minorité en matière civile.

 

Bien qu’il y soit régulièrement fait référence par différents institutions et acteurs nationaux et internationaux[1], la présomption générale de minorité n’existe pas dans l’ordre juridique français, ni en matière civile, ni en matière pénale.

 

Il n’existe que deux règles spéciales de présomption de minorité :

–                           l’une en matière pénale pour permettre de pallier l’absence de preuve de l’âge des victimes d’enregistrement et de diffusion d’images à caractère pédopornographique (article 227-23 du code pénal),

–                           l’autre en matière civile, pour pallier le défaut de précision des tests osseux utilisés pour déterminer l’âge d’un grand adolescent : c’est de cette disposition spéciale prévue au troisième alinéa de l’article 388 du code civil dont il est question dans cet arrêt.

 

Cette présomption spéciale de minorité posée par l’article 388 du code civil pour les jeunes se prétendant mineurs et pour lesquels le résultat du test osseux n’est pas conclusif, est issue de la transposition de l’article 25-5 de la directive « Procédures » n°2013/32/UE du 26 juin 2013 relatif aux garanties accordées aux mineurs non accompagnés. Cet article prévoit en effet que, s’il subsiste un doute sur la minorité d’un jeune après un examen médical de détermination de l’âge, les Etats doivent présumer (« shall assume ») que le demandeur est mineur.

 

Toutefois, les dispositions ajoutées à l’article 388 du code civil par la loi n°2016-297 du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant ne sont pas qu’une simple transposition de la directive “Procédures”. Elles visent également, d’une part à encadrer la pratique des tests osseux, et d’autre part, à en limiter la portée au vu de leur manque de fiabilité.  Leur réalisation est ainsi soumise à une double condition de fond (l’absence de documents d’identité valables et l’invraisemblance de l’âge allégué) et à une double condition de forme (une décision judiciaire et le recueil de l’accord de l’intéressé).

 

Mais surtout, la portée du test osseux est relativisée:

–          Il est facultatif. Dès lors que les documents d’identité sont absents ou non probants, les modalités de la vérification de l’âge relèvent du choix du juge qui peut avoir ou non recours aux tests osseux

–          Lorsque le test est ordonné, le rapport du médecin qui a réalisé le test doit préciser la marge d’erreur[2],

–          Le test osseux ne peut suffire à déterminer la minorité. Il n’est qu’un élément d’appréciation parmi un faisceau d’indices que le juge devra s’efforcer de réunir  (entretien, observation dans le cadre de la mise à l’abri, enquête, recherche documentaire ou analyse des documents d’identité et audition de l’intéressé).

–          Lorsque le résultat comporte un doute (autrement dit lorsqu’il indique, en raison de la marge d’erreur, un âge allant de la fin de la minorité au début de la majorité), ce doute profite à l’intéressé et doit donc être considéré comme un élément en faveur de la minorité.

 

L’article 388 exclut, même en cas de doute subsistant sur la minorité de l’intéressé, l’évaluation de l’âge à partir d’un examen du développement pubertaire des caractères sexuels primaires et secondaires.

 

La lecture stricte de l’alinéa 3 de l’article 388 du code civil limite le bénéfice du doute aux seules conclusions du test osseux mais ne pose pas réellement une présomption de minorité : l’examen dont les conclusions sont douteuses, est un élément en faveur de l’intéressé, mais ce n’est qu’un élément parmi d’autres, et qui n’est, en lui-même pas déterminant. Autrement dit, si le juge doit considérer comme établissant la minorité le test osseux dont le résultat est douteux, il peut néanmoins l’écarter si tous les autres éléments de preuve à sa disposition sont en faveur de la majorité puisque « les conclusions de ces examens ne peuvent à elles seules permettre de déterminer si l’intéressé est mineur ».

 

Toutefois, le Conseil constitutionnel, dans sa décision n°2018-768 QPC du 21 mars 2019, a, au nom de l’intérêt supérieur de l’enfant, une lecture plus libérale de cet alinéa puisqu’il considère que « si les conclusions des examens radiologiques sont en contradiction avec les autres éléments d’appréciation susvisés et que le doute persiste au vu de l’ensemble des éléments recueillis, ce doute doit profiter à la qualité de mineur de l’intéressé » (considérant n°11). Le Conseil constitutionnel ne limite donc pas le bénéfice du doute aux seules conclusions du test osseux mais l’étend à l’ensemble de la situation du jeune qui se prétend mineur et qui a subi ce test. Autrement dit, si le test n’est pas concluant, le juge doit considérer qu’il est en faveur du demandeur, et retenir la minorité, même si d’autres éléments (voire tous les autres éléments) sont en faveur de la majorité.

 

 

Le Conseil constitutionnel précise au considérant n°12 de sa décision, qu’« il appartient aux autorités administratives et judiciaire compétentes de donner leur plein effet aux garanties précitées ».

Les garanties sont celles énumérées ci-dessus, le Conseil constitutionnel apportant les précisions suivantes :

–          « la majorité d’une personne ne saurait être déduite de son seul refus de se soumettre à un examen osseux » (considérant n°10) ;

–          « si les conclusions des examens radiologiques sont en contradiction avec les autres éléments d’appréciation susvisés et que le doute persiste au vu de l’ensemble des éléments recueillis, ce doute doit profiter à la qualité de mineur de l’intéressé » (considérant n°11).

 

L’autorité judiciaire est donc garante du fait que l’appréciation de l’âge d’une personne prend en compte tous les autres éléments qui ont pu être recueillis. Il lui appartient ainsi de recueillir l’ensemble des éléments nécessaires, jusqu’à être en mesure de formuler l’appréciation qui détermine sa compétence au titre de l’assistance éducative.

 

L’arrêt de la Cour de cassation ne remet évidemment pas en cause cette lecture plus « libérale » de l’alinéa 3 de l’article 388, mais circonscrit la présomption spéciale de minorité qu’il pose à la seule circonstance que la personne a subi un test osseux dont le résultat n’est pas concluant, sans l’étendre à toute forme de « doute » qui pourrait subsister à l’issue d’autres investigations, auditions ou contrôles.

Cette distinction entre le doute qui permet de retenir une présomption de minorité et celui qui ne le permet pas s’explique par le fait que dans le premier cas, le doute naît de l’absence de fiabilité et de précision intrinsèque à l’examen sollicité (le test osseux), alors que d’autres investigations ou contrôles (notamment l’examen des documents d’identité) sont réputés fiables et établissent un résultat clair.

 

Ni la décision de la Cour de cassation, ni celle du Conseil constitutionnel n’imposent la réalisation d’un test osseux, qui demeure une investigation possible mais non obligatoire. Le juge peut se fonder sur d’autres éléments pour vérifier la minorité : les éléments du rapport d’évaluation et notamment sur le récit du parcours, la consultation des fichiers nationaux, celle du fichier AEM[3], ou, comme en l’espèce, la vérification documentaire. Néanmoins, il appartiendra au juge du premier degré de motiver sa décision au regard du caractère suffisant des investigations réalisées pour que sa décision soit conforme aux exigences légales et constitutionnelles.  Sa décision ne devra évoquer la présomption de minorité que si un test osseux a été effectué.

 

La portée de cet arrêt est importante sur le plan pratique, à la fois pour les juridictions et pour les conseils départementaux en charge de l’évaluation des MNA. En matière civile, comme le rappelle l’article 9 du code de procédure civile, « il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention » : c’est donc à celui qui sollicite une mesure de protection qu’il incombe de prouver qu’il peut y prétendre. Or, retenir une présomption générale de minorité en assistance éducative reviendrait à inverser la charge de la preuve puisqu’il s’agirait de considérer le jeune comme mineur jusqu’à preuve du contraire. Le doute ne suffisant plus, ce serait alors à l’autorité judiciaire et aux départements de prouver la majorité du demandeur ce qui pourrait s’avérer extrêmement difficile et entraîner des prises en charge indues.

 

En ce sens, la décision de la Cour de cassation se présente comme une tentative de maintenir l’équilibre entre la nécessité de prendre en compte l’intérêt supérieur de l’enfant qu’a rappelée le Conseil constitutionnel et celle d’empêcher les recours abusifs au système de protection de l’enfance, au risque de le mettre en péril.

 

Annexes :

 

a.        Article 388 Code civil

Le mineur est l’individu de l’un ou l’autre sexe qui n’a point encore l’âge de dix-huit ans accomplis.

Les examens radiologiques osseux aux fins de détermination de l’âge, en l’absence de documents d’identité valables et lorsque l’âge allégué n’est pas vraisemblable, ne peuvent être réalisés que sur décision de l’autorité judiciaire et après recueil de l’accord de l’intéressé.

Les conclusions de ces examens, qui doivent préciser la marge d’erreur, ne peuvent à elles seules permettre de déterminer si l’intéressé est mineur. Le doute profite à l’intéressé.

En cas de doute sur la minorité de l’intéressé, il ne peut être procédé à une évaluation de son âge à partir d’un examen du développement pubertaire des caractères sexuels primaires et secondaires.

 

b.        Extrait de l’arrêt commenté

 

Rejet

Demandeur(s) : M. A… X… ; et autres

Défendeur(s) : conseil départemental du Puy-de-Dôme, ASE ; et autres

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Riom, 9 avril 2019), que, par jugement du 29 juin 2018, le juge des enfants a confié, jusqu’au 29 juillet 2019, A… X…, se disant né le […] 2002 à Ebilassorkro (Côte d’Ivoire), au service de l’aide sociale à l’enfance du département du Puy-de-Dôme, le service de la police aux frontières étant simultanément chargé, par commission rogatoire, de vérifier l’authenticité des documents d’état civil produits par l’intéressé ; que, par jugement du 19 décembre 2018, rendu après dépôt du rapport d’analyse documentaire, le juge a ordonné la mainlevée du placement ;

Attendu que A… X… fait grief à l’arrêt de confirmer ce jugement alors, selon le moyen, qu’en matière d’assistance éducative, le doute sur la minorité de l’intéressé doit lui profiter ; qu’en donnant mainlevée de la mesure de placement à l’aide sociale à l’enfance et en disant n’y avoir plus lieu à intervenir au titre de l’assistance éducative, au prétexte que la minorité de M. X… était “mise en doute”, la cour d’appel, qui a retenu ce doute en défaveur de l’intéressé, a violé les articles 375 et 388 du code civil ;

Mais attendu que le principe selon lequel le doute profite à l’intéressé ne s’applique que lorsqu’un examen radiologique a été ordonné sur le fondement de l’article 388 du code civil ; que A… X… n’a pas fait l’objet d’un tel examen ; que le moyen ne tend, en réalité, qu’à remettre en discussion devant la Cour de cassation, l’appréciation de la cour d’appel qui a souverainement estimé, sur le fondement des éléments de preuve dont elle disposait, que l’état de minorité allégué par l’intéressé n’était pas vraisemblable ; qu’il ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X… aux dépens ;